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Fédération Nationale des Marchés de France

Monique Rubin, Présidente de la Fédération des Marchés de France

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La Fédération Nationale des Marchés de France, « F.N.S.C.M.F » compte 20 000 adhérents, commerçants non sédentaires. Composée d’un maillage de 150 syndicats, organisations professionnelles régies par la loi du 21 mars 1884, répartis sur l’ensemble du territoire national, c’est la principale organisation de défense professionnelle du commerce ambulant.

Il faut repenser le marché, il représente toute l’activité économique du cœur de ville. Le marché doit être dans une rue commerçante, il faut un trait d’union entre les sédentaires et les non sédentaires

Depuis le début de la crise sanitaire, êtes-vous plus sollicités par vos adhérents concernant le numérique ?

Nous venons de traverser une période difficile même s’il y avait une organisation d’avant crise, le sujet du numérique avait été abordé dès 2009 au sein de notre fédération avec le lancement d’un site de référencement des marchés en France.

La crise n’a pas été vécue de la même manière par tous. Tout d’abord, il y avait beaucoup de marchés fermés, cela dépendait des régions et départements. Certaines villes ont aidé aux drives et donc un peu la vente en ligne. Les produits non alimentaires, manufacturés, n’ont pas été présents. Cependant, on ne peut pas dire qu’il y a eu une sollicitation intense de la part de nos commerçants non sédentaires.

Cela a été une opportunité pour nos commerçants alimentaires, à partir du moment où ils ont bénéficié d’aides des municipalités. Pendant cette période de Covid, surtout au mois de mars 2020, plusieurs collectivités locales se sont mobilisées pour aider les commerçants. sous forme de packaging : l’offre d’un site et d’aides par rapport à la récupération de marchandises et de livraison. Cela a uniquement aidé les commerçants alimentaires et pour certaines régions. Il y avait des inégalités entre les villes. Le plus gros problème pour les produits manufacturés, c’est l’interdiction de vendre en physique.

Les seules vitrines sont les étalages pour les marchés : il aurait fallu une vitrine virtuelle qui n’était pas installée avant le début du Covid, il était donc très compliqué de s’adapter.

Pour revenir sur la proposition de Claude Maret, le Président de la Fédération des Fromagers de France, qui préconise la création de sites regroupant tous les commerçants d’un marché. Je suis d’accord avec son point de vue, cependant j’aimerais citer les trois grands freins au commerce numérique pour nos marchés :

  • L’existence de la culture de la convivialité : le besoin physique de se rencontrer, d’échanger. Cette mixité est indispensable pour nos commerçants, surtout pour les commerces non sédentaires. Avec la crise, nous avons été privés de ces échanges ;
  • Certains commerçants n’ont pas cette pratique du numérique et ne peuvent s’adapter. Ils n’ont pas les connaissances de tous les outils numériques existants ;
  • Enfin, les équipements ne sont pas adaptés aux marchés, je peux citer par exemple les zones blanches, des zones rurales sans réseau ce qui complique fortement le développement d’outils numériques pour nos marchés.

Outre ses freins, les outils doivent être adaptés à différents types de clientèle. La plupart de nos consommateurs souhaitent quand même avoir le plaisir de venir chercher leur commande.

J’ai récemment interrogé des commerçants ayant fait des partenariats avec les CCI : les outils numériques selon eux ne vont pas générer assez de chiffre d’affaires au niveau des marchés. La plupart des commerçants non sédentaires n’ont pas cette culture, et inconsciemment il y a un frein car ils ont ce besoin de se parler en physique. Il y a une impression que le numérique va nous desservir plus que nous servir.

Observez-vous des disparités sur le territoire en termes d’adaptation au numérique ? Et par rapport aux différents commerçants et artisans ?

Certains territoires n’ont aucune accessibilité au numérique, surtout pour les très petits marchés, il y a ce besoin d’approvisionnement. Pour ces zones montagneuses et rurales, on constate une évolution d’un système de camions pour faire de la livraison. Ce n’est pas de la numérisation, c’est du contact direct qui permet de garder une relation avec le client.

Il est indispensable d’avoir ce lien social afin d’avoir des rues et des quartiers animés, c’est ce qui nous manque depuis le début de la crise sanitaire.

Imaginez si demain tout est numérisé, c’est le drame, il n’y a plus de relation entre le commerçant et le client. Que deviendraient nos cœurs de ville ?

Sur les marchés, ce n’est pas possible les commerçants sédentaires manquent d’envie aussi.

  • Existe-t-il un outil numérique référençant les marchés ? En Province, quand on essaye de s’informer sur les marchés présents, il y a peu d’applications intuitives qui fonctionnent.

Depuis le début du Covid, il y a eu beaucoup d’organismes qui se sont mobilisés. Pour les marchés, l’idée était la création d’un site de géolocalisation des marchés. Nous l’avions eu, en créant le site marchésdefrance.org, cependant cela n’a pas fonctionné.
Il aurait fallu que le commerçant s’accapare le site, et s’investisse pour mettre les produits en ligne, faire la promotion de la semaine, changer les photos… Les commerçants ne savent pas le faire et les sédentaires connaissent ce même problème. Je pense que le site de la ville peut booster ce genre d’initiatives. De plus, les start-ups n’avaient pas la possibilité de prendre en compte 12 000 marchés au total en France. On a manqué de suivi, il fallait prendre en main la situation pour rendre ce site utile et fonctionnel. Je ne peux pas vous citer des exemples de réussite de numérisation de marchés, je n’en ai pas.

Si on s’intéresse aux marchés dans les quartiers populaires des grandes métropoles : le marché est perçu comme quelque chose de mixte, culturel, et humain. Ces consommateurs qui ne connaissent pas autre chose que le marché, c’est des milliers de personnes qui ne maîtrisent pas le numérique.. mais ces clients font partie de notre ADN.

Comment imaginez-vous le centre-ville et le monde commerçant en 2030 ?

En tant que Présidente, je suis extrêmement optimiste sur l’avenir des marchés. Nos consommateurs ont besoin d’authenticité, de revenir à des sources essentielles. Je suis sûre qu’en travaillant main dans la main avec nos élus locaux, nous pouvons installer des marchés en plein cœur de ville et installer du bel équipement pour une bonne hygiène. On va créer de beaux marchés, avec différentes activités, les clients sauront qu’ils pourront trouver juste à côté de chez eux ce dont ils ont besoin dans des conditions optimales.

Il faut repenser le marché, il représente toute l’activité économique du cœur de ville. Le marché doit être dans une rue commerçante, il fait le trait d’union entre les sédentaires et les non sédentaires. C’est un objectif à fixer ensemble pour répondre aux besoins de demain. Cela peut créer des emplois.

Je rêve de plein de marchés florissants dans les années futures.