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CBRE est le premier groupe mondial de conseil, en commercialisation, investissement gestion immobilière, expertise et aménagement d’espace pour tous types d’immobilier. Présent dans plus de 60 pays, le groupe rassemble plus de 80000 collaborateurs, dont 1.300 en France, répartis sur l’ensemble du territoire, avec 38 implantations.

Cette position permet d’observer les tendances et l’évolution des différents marchés quasiment en temps réel ; si comme tous, nous avons été surpris de la violence de la crise, notre organisation nous a permis, malgré la rapidité de la propagation du COVID-19 et de ses effets dévastateurs, d’observer au-delà de son caractère mondiale et global, son déroulement, ses impacts sur chaque secteur, pour chaque pays, et bien entendu sur le commerce. Nous sommes en veille quasi quotidienne, pour en observer et comprendre dans toute la mesure du possible, ces évolutions.

Les gens redécouvrent la proximité, le sens et les valeurs qui l’accompagnent : c’est une formidable opportunité sur laquelle les villes petites et moyennes vont pouvoir travailler pour faire renaitre des lieux, et des « cœurs » de ville, creuset d’échanges, … à taille humaine.

Les fragilités de l’organisation de notre système commercial révélées lors de la crise :

  • Les sources d’approvisionnement mondiales, sources de dépendance commerciale, remises en cause :

La course au bas prix de production, la logique des flux tendus, et le renouvellement rapide des produits ou collections pour le textile notamment, ont rendu les enseignes fortement dépendantes de certaines zones géographiques, et extrêmement tributaires de circuits d’approvisionnement et de transport. La crise du COVID-19, en affectant dans un premier temps la production asiatique (qui représente par exemple, plus de 30% du secteur textile), puis l’acheminement des produits sur les lieux de distribution et de ventes, a contribué à la fragilisation des ventes, tout comme les mesures de confinement qui porteront un coup très dur, aux commerçants, les grands comme les petits.

Ce premier constat devrait conduire à court terme, à au moins deux évolutions majeures :

  1. La première concerne la nécessaire diversification des sources d’approvisionnement, avec le double souci de diversifier les risques et de se rapprocher des lieux de distribution. L’intérêt stratégique avant d’être environnemental, des circuits (plus) courts devrait se trouver ainsi renforcé.
  2. La deuxième, déjà amorcée mais sans doute encore de façon marginale, va rendre encore plus essentielle, voir obligatoire aux yeux des consommateurs, la prise en compte des enjeux sociaux, éthiques et environnementaux dans l’organisation des systèmes de production, d’approvisionnement et de distribution des produits : la course au prix bas ne pourra plus tout justifier.
  • La grande distribution alimentaire, dans son ensemble, a montré l’importance de la maitrise de l’ensemble de la chaine de distribution, et de l’omnicanal

Les performances du secteur de l’alimentaire sont restées très logiquement positives, seuls magasins autorisés à rester ouverts, profitant de plus des reports de consommation liés à la fermeture des restaurants et autres cantines.

Cependant, au-delà des ces progressions globales, trois faits marquants sont à noter :

  1. Les progressions sont d’autant plus fortes, que le format est petit ; dit différemment, la proximité est un atout qui a profité à ceux qui avaient le maillage le plus dense du territoire : les formats dit de proximité, ont progressé sur les premières semaines de confinement de plus de 60%, alors que les hypers passaient dans le rouge.
  2. La part des ventes alimentaires par le biais du digital, est passée de 7%, à plus de 10,5%, générant une explosion des drives et des livraisons.
  3. Enfin, même soumis parfois aux craintes de pénuries, il n’y a pas eu de rupture d’approvisionement, la diversité des circuits, notamment courts, ayant permis de faire face.

Ce troisième constat montre que l’omnicanal est un élément essentiel et vital de la distribution contemporaine ; ce ne peut être une sorte de gadget, mais bien un élément central de l’organisation de la distribution, de l’approvisionnement au consommateur.

  • Les ventes sur le net, en ne compensant pas de manière significative la baisse des ventes réseaux physique montrent la faiblesse de l’intégration du digital au sein de la distribution :

A la suite des crises des gilets jaunes, ou des grèves de 2019, tout le monde a pensé que le digital était le grand gagnant, accélérant la fragilisation du secteur physique. En réalité, c’est toute la distribution et son organisation fondée sur des principes de mass-market qui datent d’après-guerre, qui ont été affectée.
Durant cette crise du COVID-19, la courbe globale des ventes digital a été et est peu ou prou similaire à celle des ventes physiques, même si certains secteurs ou produits s’en tirent mieux que d’autres.

Suivant le panel Procos, la baisse de chiffre d’affaire, net du digital qui augmente de 59%, reste au global, de 86% ! L’état d’impréparation et la faiblesse de l’intégration des possibilités offertes par le digital dans l’ensemble de la chaine de distribution des commerçants sont criantes, y compris pour quelques très gros acteurs de la distribution. Ceux qui tirent leur épingle du jeu, notamment l’alimentaire, montre bien le chemin qui reste à parcourir pour les autres…

Ce deuxième constat doit conduire à très court terme, à d’importants investissements accompagnés des restructurations, pour assurer l’intégration du digital, et de toutes les possibilités qu’il offre, dans la chaine de distribution des commerçants : le développement des drives, du click & collect, les livraisons, …autant d’éléments de services, de proximité avec le client, qui en cas de crises sanitaires deviennent de vrais atouts.

  • Si le magasin est plus que jamais central au sein du réseau de distribution, sa modularité est indispensable

L’usage du magasin et son exploitation se trouvent fortement contraint par ce qu’impose la crise du COVID -19. Il est devenu soit un poids couteux, parce que fermé, soit un lieu de stockage, soit un lieu de livraison, ou encore de vente sous contrainte de règles de distanciation, ou tout cela à la fois au gré des évolutions des règles de confinement.

La nécessité vitale de réaliser des ventes, comme celle de répondre aux besoins des clients a forcé certains distributeurs à mettre en place des systèmes de livraison, de click & collect, justifiant, dans la hâte, de nouvelles organisations. La modularité des espaces, la capacité d’accueil des clients ont été des facteurs essentiels à la préservation d’un certain niveau d’activité.

Ce quatrième constat corrobore si besoin était, l’importance du magasin, finalement pivot de la distribution.

A moyens termes, en fonction des rythmes de redéploiement des réseaux et de l’apprentissage de ces nouvelles conditions d’exploitation, le magasin devrait voir son rôle et sa participation à la densification des réseaux renforcés, à la condition notamment que les règles d’urbanisme, en matière d’occupation des espaces et de livraison, intègrent ces nouvelles contraintes.

  • L’occasion de redynamiser nos centres-villes et nos commerces de proximité :

Ces premières observations, accompagnées d’autres qui sortent du strict cadre du commerce, montrent qu’au-delà des conséquences lourdes à courts termes, notamment sur les risques d’accroissement du chômage, de la vacance, les villes, petites comme moyennes ont des opportunités à saisir résolument.

  1. Chaque ville s’inscrit dans un territoire, qui disposent de richesses, plus ou moins exploitées ou valorisées, ayant subi la logique de globalisation décrite plus haut. La crise a facilité la recherche et le recours aux produits de proximité, soit par nécessité, soit par solidarité. Des liens se sont recréés, des savoirs se sont (re)découverts, des richesses se sont dévoilées. Il est impératif que les villes et plus largement les collectivités capitalisent sur ces mouvements pour les accompagner, et les renforcer. Ce ne serait que la traduction concrète de principes dont on a déjà beaucoup parlé : l’urgence et le caractère parfois dramatique des situations rencontrées à cause de la crise, ont parfois permis aux liens de la cité, de se recréer, de retrouver du sens, ce sens qui parfois manque aux politiques qu’on essaye de plaquer de manière uniforme sur nos villes.
  2. De nombreuses enseignes ont déjà compris l’importance d’avoir cette proximité avec les clients, proximité qui s’appuie sur le digital et le physique, indispensable alliés. C’est le cas par exemple de la FNAC qui il y a quelques années a complètement revu son modèle, accentuant le maillage de son réseau en réduisant ses formats jusqu’à quelques centaines de m2, en mettant en place la franchise, en intégrant totalement le digital… Une organisation qui permet de descendre parfois sur des zones de chalandise d’à peine plus de 20.000 habitants.
  3. Plus généralement, les impacts sur notre société, l’irruption forcée du télétravail, l’appréhension concrète et pratique des qualités (ou pas !) du lieu où l’on habite, peuvent être de vraies occasions pour certaines villes d’accueillir les personnes dont les aspirations et modes de vie auront été marqués par cette crise. Ce peut être, à condition de travailler sur les besoins en termes de service, d’infrastructures, de transport parfois, un moyen de stopper, voire de renverser la décroissance des populations.
  • La crise, et sa gestion laissent toutefois subsister des interrogations majeures :

Ces premières observations, accompagnées d’autres qui sortent du strict cadre du commerce, montrent qu’au-delà des conséquences lourdes à courts termes, notamment sur les risques d’accroissement du chômage, de la vacance, les villes, petites comme moyennes ont des opportunités à saisir résolument.

  1. La gestion de la crise, la recherche de solutions et leurs mises en œuvre ont montré l’importance de la clarté au sein de la chaine de décision. « Qui doit (ou peut) décider de quoi ? ». Cette question a émergé notamment avec la problématique des marchés, ou de l’organisation par exemple, des livraisons pour savoir qui du maire ou du préfet devait décider.
  2. Quelle seront les modalités de détermination de la valeur locative et vénale des actifs commerciaux ? Et quel sera l’importance des réajustements à attendre d’une crise économique à court terme ? La valorisation, fondée principalement sur l’importance des flux offerts, se trouve remise en cause par le principe du filtrage et du contrôle des flux ; comment différencier deux magasins de même surface, mais l’un situé sur le boulevard Haussmann à Paris et l’autre rue de Béthune à Lilles. Certes, si cet exemple est extrême, il montre néanmoins l’inévitable prise en compte d’autres critères, tenant non seulement aux profils des clients, mais également comme déjà évoqué, aux nouvelles fonctionnalités et modularités dont devront être dotées les magasins. Peut être assistera t on à un ajustement des valeurs, qui pourraient gommer les extrêmes et redonner un peu de dynamique à celles intermédiaires, dont la tenue est indispensable à l’attraction des investisseurs ?
  3. Quel avenir pour les centres commerciaux, s’ils devaient subir la double peine du contrôle des flux à l’entrée et au sein de chaque magasin ? Quelles nouvelles locomotives si les conditions d’exploitation de la restauration et plus généralement des loisirs devaient être durablement contraintes ?

En résumé :

Les premières observations montrent qu’au travers de cette crise sanitaire, ce sont quelques-uns des fondements de notre système de distribution, qui sont mis à mal, à commencer par le principe que le commerce serait d’abord affaire de « mass-market ».

La recherche de la massification des flux, pour doper sans cesse les rendements en termes de chiffres d’affaires, eux même maintenus à coup de promotion, de bas prix, ou de renouvellement incessant de l’offre comme si cela pouvait éternellement maintenir l’appétit des consommateurs vient de se heurter au mur du COVID-19.

Le consommateur a (peut-être) découvert, qu’il peut vivre de manière (un peu) plus frugale, qu’il peut (peut-être) accepter de ne pas rechercher systématiquement le prix, pour autant qu’il ait le service, la proximité, au sein d’un environnement où il peut vivre en cohérence avec ses aspirations. Cela fera très certainement de plus en plus partie de ce à quoi les enseignes devront pouvoir répondre.