Argentan est une ville du département de l’Orne en Normandie. Ville de 14000 habitants, elle fait partie du Plan de redynamisation Action Cœur de Ville.
Serge Vallet, Adjoint au maire de la Ville d’Argentan
Serge Vallet, Adjoint au maire Rayonnement de la ville, commerce, musées de la Ville d’Argentan
Aujourd’hui le numérique est devenu incontournable dans notre vie quotidienne.
Avez-vous le sentiment que vos administrés sont de plus en plus en demande d’aide concernant le numérique ? Si oui, comment votre ville leur vient-elle en aide ? Avez-vous le sentiment que cette démarche devient naturelle ?
Comme beaucoup de villes, les Argentanais sont utilisateurs du numérique à titre personnel depuis plusieurs années. Ce phénomène récent de développement important du numérique est national et on le vit également à Argentan même s’il est important de prendre en compte qu’une petite partie des habitants souffre d’illectronisme. Certaines personnes, souvent des personnes âgées ne sont pas toujours proches du numérique et il faut effectivement les accompagner.
Cette part reste une petite minorité car la plupart des gens ont su s’adapter et intégrer l’usage des outils numériques dans leur vie.
Pour les commerçants et artisans nous avons beaucoup parlé de la vente en ligne, du Click & Collect…
Qu’en est-il dans votre ville à Argentan ? Avez-vous ressenti avec la crise une accélération des dispositifs ?
Il y a des commerçants qui n’ont pas attendu la crise du Covid, ni la Ville, ni les confinements pour se mettre au numérique. Certains avaient mis en place leurs sites internet pour présenter leurs produits mais aussi pour réaliser de la vente en ligne.
Le but de ces outils n’est pas que les commerçants deviennent des grandes plateformes de ventes en ligne, mais qu’ils utilisent ces outils pour faire venir ou revenir les consommateurs en centre-ville. Cette alliance entre le physique et le digital : le « phygital » est une réalité.
À Argentan comme dans plusieurs autres villes, certains commerçants n’étaient pas équipés. Ces commerçants ont dû s’adapter et c’est à ce moment que nous avons décidé de mettre en place une plateforme commerçante, au début du 2nd confinement.
Des étudiants en BTS « Négociation, Digitalisation et Relations Commerciale » de la ville et leurs professeurs sont venus nous voir pour nous proposer de mettre en place la plateforme « fairemescourses.fr ». Plateforme gratuite et solidaire, elle n’est pas forcément destinée à la vente en ligne. C’est davantage une vitrine des commerçants et de leurs produits qui peut d’ailleurs renvoyer les utilisateurs sur un site internet propre au commerçant.
Les commerçants que l’on a rencontrés n’avaient pas forcément envie de faire de la pure vente en ligne, ni d’envoyer les commandes en préparant des colis. Ils préféraient que les gens viennent dans leurs boutiques, récupérer en Click & Collect les articles repérés sur fairemescourses.fr/argentan. Cela a permis à des commerçants parfois très éloignés du numérique de gagner en visibilité tout en évitant de tomber dans toute la logistique qu’implique la vente en ligne.
Cette plateforme a été très bénéfique pour les commerçants et a permis de faire découvrir des articles et des points de vente que l’on ne connaissait pas forcément auparavant. C’est un « centre-ville en ligne » dans lequel les utilisateurs peuvent voir et découvrir des produits, des boutiques…
L’alliance entre le physique et le digital : le « phygital » est une réalité.
Sur les 6 premiers mois de la mise en place de cette plateforme, avec 14 000 habitants sur la ville, nous avons comptabilisé plus de 130 000 connexions. Aujourd’hui, un quart des commerçants du centre-ville est sur la plateforme et l’on compte toujours environ 300 connexions par jour. Cette plateforme est désormais intégrée dans le quotidien des Argentanais.
En ce qui concerne la formation numérique de nos commerçants, nous avions fait avant le 1er confinement, en mars 2020, un diagnostic numérique en partenariat avec la CCI ainsi que la Banque des Territoires. Ce qu’il en ressortait, c’était un retard sur le numérique. Nous avions les éléments en mains qui nous permettaient de voir les angles à améliorer.
En 2020 nous avons alors mis en place des formations sur le numérique pour les commerçants en leur apprenant à se rendre visibles sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux. Nous avons formé une trentaine de commerçants dans nos salles de formation mais nos formateurs se sont également rendus chez les commerçants pour leur apporter un soutien personnalisé car tous n’ont pas les mêmes besoins. Nous allons d’ailleurs mettre en place une deuxième session de formation en 2021.
Comment utilisez-vous l’Open Data ? Comment cela influence les politiques de la ville ?
Nous utilisons peu l’Open Data car les données nationales permettent de travailler sur des grandes masses, de gérer des flux d’informations importants. Pour une ville à taille humaine comme Argentan dans laquelle le manager de centre-ville connaît très bien toutes les cellules commerciales, la gestion des données et leur stockage dans des listings n’est pas nécessaire.
La seule chose que nous avons utilisé sont les données concernant le flux piéton et voiture sur les axes de la ville. Cela nous permet d’orienter les réaménagements de la ville mais nous nous limitons à cela.
Votre ville fait partie du Plan Action Cœur de Ville. Qu’est-ce que cela a changé?.
A titre personnel, je trouve cela très agréable.
Nous avons un local implanté en hypercentre au sein duquel nous accueillons les porteurs de projets pour de la rénovation de logements, l’installation de nouveaux commerçants ou la modernisation de commerces existants. Depuis 2020, pendant la crise, nous avons eu une dizaine de commerçants qui se sont installés en ville, et ça continue.
Notre problème, contrairement à beaucoup de villes, est que nous n’avons plus de cellules vacantes sur l’axe commerçant, nous devons donc élargir la zone commerciale pour pouvoir faire de la place pour les nouveaux porteurs de projets et agrandir notre centre-ville.
Comment imaginez-vous les centres-villes et le monde commerçant à l’horizon 2030 ?
Je pense que le fait de retourner voir ses commerçants, de créer du lien social, le contact humain restera dans les habitudes des gens. Nous faisons face à une réelle prise de conscience des citoyens qui se rendent compte que le local, le circuit court, la qualité et le territoire sont vraiment quelque chose qu’il faut développer.
Notre rôle en tant que collectivité est de créer le bien être sur le territoire en se concentrant sur l’aménagement des rues, l’attractivité de l’offre globale des commerces du centre-ville, l’amélioration des mobilités comme les voies piétonnes, les vélos, les transports en commun tout en intégrant de la technologie, des bancs connectés par exemple… C’est très compliqué de se projeter en 2030 car on voit bien que le monde d’aujourd’hui évolue très vite. Ce que nous souhaitons, c’est rester sur cette dynamique et de l’accompagner.
Nous voulons créer un cocon pour que les Argentanais aiment leur ville, en deviennent des ambassadeurs et que les commerçants aient envie de venir s’y installer.
Je pense que la vente en ligne ne deviendra pas le système de vente principal car le lien social, le fait d’aller voir son commerçant pour avoir des conseils et entretenir une relation client, tout cela a pris une grande importance.