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AID Observatoire

Arnaud Ernst, Directeur Associé AID Observatoire – David Sarrazin, Directeur Associé AID Observatoire

Photo AER

Spécialiste de la consommation et des comportements d’achats depuis 1973, AID travaille à développer le potentiel économique et commercial des territoires ou des projets urbains. Spécialiste des villes moyennes, sa clientèle est essentiellement publique. AID compte vingt collaborateurs présents à Lyon, Toulouse, Nantes et Paris, et produit une centaine d’interventions par an.

Il faut travailler le positionnement alternatif et singulier du centre-ville

Préambule

La crise sanitaire va accélérer la transformation d’un paysage commercial qui était déjà en profonde mutation en France. Et les centres-villes vont être particulièrement touchés par les impacts de cette crise, pendant et après la séquence de confinement. Leur fréquentation va être très dégradée, et pendant de longs mois… toutes les entreprises n’y résisteront pas !

  • Avant la crise le commerce n’était déjà plus le moteur principal des centres-villes. Les français s’y retrouvaient surtout pour la convivialité, le lien social, la culture, le patrimoine… et avec le tourisme à l’arrêt, de nombreux actifs en télétravail et les bars et restaurants fermés, il y a moins de raisons de fréquenter les centres-villes, surtout si on n’y vit pas.
  • Ensuite parce que le consommateur adopte pendant la crise des comportements différents : morosité, recentrage sur les achats essentiels, prise de conscience des impacts sociaux et environnementaux de la consommation, défiance sanitaire, consommation sans contact (web, drive, livraison…). Il est à ce stade difficile d’évaluer la résilience de ces comportements mais dans le contexte de récession mondiale à venir il en restera des traces.
  • Et puis parce que pendant le confinement 80% des grilles des rez-de-chaussée des centres-villes sont tirées. Et que les secteurs d’activités qui n’allaient déjà pas très bien avant (prêt-à-porter, jouet, culture loisirs…) et ceux qui souffrent le plus de la crise (restaurants, bars, souvenirs…) représentent 50 à 60% de l’offre de nombreux centres-villes.
  • Enfin parce que les centres-villes connaîtront assurément de nombreuses défaillances d’entreprises dans les mois qui viennent avec de très nombreuses TPE, indépendantes sans enseignes, souvent avec les loyers élevés et des petits propriétaires moins sensibles à leurs difficultés.

Mais si les collectivités et les commerçants rassurent les visiteurs, leurs facilitent la ville, leurs promettent une expérience client singulière, les récompensent et les fidélisent, nous sommes convaincus que les centres-villes resteront une alternative « plaisir » aux autres formes de commerce.

Les propositions

A court terme, soutenir les entreprises des centres-villes de demain, pour préserver un tissu de commerce, d’artisanat de vitrine et de services compact et mobilisé.

Ce sujet est essentiellement assuré aujourd’hui par les mesures gouvernementales engagées fin mars afin de mettre les entreprises à l’arrêt en limitant leurs charges : délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales, remises d’impôts directs, fonds de solidarité, garanties bancaires, chômage partiel…

La majorité des régions a activé des fonds de solidarités et de garantie complémentaires, certaines comme la Corse prennent en charge une partie des loyers.

Enfin les villes ou EPCI exonèrent des droits de place, des redevances d’occupation du domaine public, de taxe de séjour, de TLPE, allègent la CFE et la CVAE, renoncent à leurs loyers ou encore abondent localement aux fonds de solidarité en faveur des TPE.

Centre-VilleL’ambition est de limiter au maximum les charges des entreprises pour tenter de sauvegarder leur trésorerie. Les 2 principales charges d’exploitation des commerces sont souvent les salaires et le loyer qui peut parfois attendre plus de 15% du CA de l’entreprise. Les grands bailleurs de centres commerciaux ont pris des décisions radicales d’annulation ou d’étalement des loyers de la période de confinement et parfois d’indexation en fonction de l’activité pour la reprise. La Région Corse a voté la prise en charge d’une partie des loyers des entreprises en difficulté, certains maires ont appelé les bailleurs de leurs centres-villes à exonérer temporairement les commerçants et accorder des facilités de paiement, mais ce sujet des loyers reste préoccupant.

Enfin la Région Auvergne Rhône Alpes accompagne les commerces de proximité dans l’investissement nécessaire à la reprise de leur activité dans des conditions sanitaires satisfaisantes : gel pour les clients, protections de distanciation, hygiaphones, mobilier adapté, moyens de paiement…

Puis, tout en continuant à soutenir les entreprises en difficulté, engager un plan de relance ambitieux et solidaire, en mobilisant des actions à destination des 3 acteurs que sont les collectivités, les commerçants et les consommateurs.

RASSURER, FACILITER, RÉCOMPENSER et FIDÉLISER

RASSURER le visiteur

Le centre-ville et chaque commerce doivent assurer au visiteur qu’il ne prendra aucun risque à les fréquenter : Communication institutionnelle sur les plans d’actions sanitaires, mesures barrières, gestion des flux et des périodes de fréquentation, distanciation physique, gel hydroalcoolique, centre-ville sans contact…. Et chaque entreprise devra aussi informer sa communauté des mesures prises, vigiles, protections, essayages, libre-service, paiements… Les compteurs de flux piétons mis en place par de nombreuses villes peuvent par exemple permettre de communiquer sur des périodes de fréquentation adaptées.

FACILITER la vie, la ville

Certains centres-villes étaient déjà perçus comme contraignants : mauvaise accessibilité, transports en commun, stationnement difficile / payant, propreté, sécurité… Ce sont des points sur lesquels il faudra rester tout particulièrement vigilant face à un consommateur inquiet qui aura trouvé du confort à acheter en ligne sans se déplacer. La question de la gratuité du stationnement sur des moments de faible fréquentation habituelle du centre-ville sera par exemple posée.
Les services que les commerçants développent pendant le confinement, seuls, avec les associations et / ou avec les collectivités, devront perdurer et se professionnaliser : drive piétons, livraisons, places de marché digitales…

RÉCOMPENSER

Il faut que l’expérience vécue par le visiteur du centre-ville soit la plus qualitative possible afin de le récompenser d’avoir surpassé ses inquiétudes et les contraintes : qualité des espaces publics, jolies façades et enseignes, fleurissement… mais les entreprises jouent aussi un rôle important en chouchoutant tout particulièrement les visiteurs, café ou thé offert, personnal shopper, goodies, offres commerciales, conseils personnalisés…

FIDÉLISER pour que le visiteur revienne

Les collectivités doivent profiter de toutes les opportunités pour communiquer positivement autour du centre-ville et de ce qui s’y passe et les entreprises peuvent animer leurs communautés sur les réseaux sociaux pour créer des rendez-vous et déclencher des visites. De la même manière des dispositifs locaux ou nationaux de cagnottage ou de cash back pourraient être envisagés pour soutenir la fréquentation du commerce indépendant. Enfin, il ne faut pas cesser de sensibiliser le consommateur sur les impacts sociaux, environnementaux et économiques de son comportement

Et pour toutes ces pistes d’actions il sera nécessaire d’organiser une bonne coordination entre les acteurs et les échelles locales, régionales ou nationales, et mettre des ressources à la disposition des centres-villes et des commerces. Budgets d’investissements mais aussi de fonctionnement. Dans tous les cas si ce n’est plus le client qui bosse – venir sur le point de vente, composer son panier, essayer les produits, se servir, charger son coffre ou porter ses achats… – il faudra que le commerçant se démultiplie – livraison et reprise après essayage, composition des paniers, personnel shopper.

Questions/Réponses :

La livraison se développe, pensez-vous que c’est une bonne formule pour que le commerçant et le consommateur restent chez eux ? La livraison doit-elle être universelle ?

Nous sommes à un tournant où nous avons besoin d’un changement d’échelle : il faut arrêter de bricoler. Il y a une vraie question relative à la puissance et la performance des dispositifs de places de marchés, de livraison….

Chacun des commerçants ne peut pas organiser la livraison ou animer son propre site marchand

🡪  Idée d’une grande régionale ou nationale plateforme qui assure la vente en ligne et la logistique des commerçants indépendants en alternative à Amazon, Rakuten ou Ali Baba

On voit que les gens veulent consommer de plus en plus de produits locaux : savoir où est produit ce que nous consommons en privilégiant l’agriculture d’à côté. Ressentez-vous ça ? 

Sur l’alimentaire c’est extrêmement vrai mais il ne faut pas que cet élan soir freiné par la récession et de préoccupations économiques. Si on est capable de mettre les produits locaux en ligne, informer la clientèle, livrer, cela permettrait de pérenniser ce type de comportement.

🡪  Il faut une réelle capacité de sensibiliser le consommateur sur les impacts sociaux, environnementaux et économiques de son acte d’achat.